« Je suis malvoyant et je guide un voyant »

BAB EL RAID 2020
Journée Solidaire

Alexandre, de l’équipage 257 a puisé dans son handicap pour en faire une force qu’il compte mettre à profit dans le désert avec un message : « montrer que tout est possible ».

C’est son deuxième Bab el Raid. Faire un rallye-raid, Alexandre, 29 ans en rêvait depuis le lycée. Alors, en 2018, avec son ami David, ils se sont lancés dans l’aventure après avoir obtenu l’autorisation de l’organisation. « Quand on m’a dit oui, j’avais les larmes aux yeux », se souvient ce kiné, qui évoque son handicap sans tabou.

Mais avant de pouvoir faire du rêve une réalité, il a fallu travailler. Beaucoup. Alexandre s’est procuré d’anciens roadbook des éditions précédentes du Bab el Raid pour comprendre comment le lire et surtout comment l’adapter. Impossible de l’écrire en braille à cause des vibrations, c’est donc par audio que le participant prend connaissance de l’itinéraire. « Je suis malvoyant et je guide un voyant », ironise-t-il, décidément plein d’humour.

Le roadbook c’est aussi – et surtout – une affaire de famille. C’est sa mère, Lydie, qui lui a préparé les instructions audio pour cette année (dans le plus grand secret, rien n’a filtré jusqu’à Alexandre, qui découvrira le roadbook, à chaque étape, sur la ligne de départ, en même temps que les autres). « Toute la famille a travaillé sur le projet et a vérifié que le roadbook serait bien compréhensible sur le terrain ».

Une histoire de famille donc mais aussi d’amitié. « Je vis ça grâce à David », souligne Alexandre, qui évoque avec humour sa « confiance aveugle » en son ami, rencontré sur les bancs du lycée.

« Lâcher prise » dans le désert et revoir les étoiles

S’il se dépasse et repousse constamment ses limites, Alexandre ne le fait pas seulement pour lui. « J’ai perdu la vue à l’âge de 6 ans à cause d’une maladie génétique. J’étais le premier malvoyant de mon collège et ensuite le premier à aller au lycée avec un chien guide. J’ai ouvert des portes aux autres ». Aujourd’hui, forcément, s’il peut servir d’exemple à d’autres malvoyants tentés par l’expérience, il sera « ravi de pouvoir aider ».

D’ailleurs, Alexandre a créé l’association « Frères de regard » pour « montrer que c’est possible même en ayant un handicap ». « Que tout est possible » pour cet aventurier que décidément rien n’arrête. Ses prochains défis : le snowboard et « dans quelques années, le rallye Gazelles and Men ».

En attendant, c’est sur le Bab qu’il compte faire ses preuves. Après une première participation à apprivoiser le roadbook, cette année son objectif est clair : « faire toutes les étapes de façon bien carrée et sans se perdre. On ne vise pas le classement mais si on est dans le top 50 on sera déjà très contents ».

L’aventurier revient aussi dans le désert pour une « sensation de liberté incomparable ». S’il ne voit pas son immensité, il ressent bien en revanche, un « sentiment d’espace, une ambiance de lâcher prise qui lui permet de relâcher la pression ». Depuis qu’il a 10 ans, Alexandre ne voit plus les étoiles dans un ciel souvent pollué par les lumières de la ville. Au Maroc, en plein désert, il a enfin pu revoir les étoiles qui lui manquaient tant. Une lueur d’espoir.

© Maïenga, texte par Marine Girard, photos par Nicolas Jahan et Fred Leloup
ÉDITION 2021

DU 6 AU 17 FÉVRIER

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